Le véhicule autonome, une solution contre les embouteillages à Abidjan

J’ai rejoint il y a quelques mois mon nouveau poste d’affectation à Abidjan, en Côte d’Ivoire, le pays de Félix Houphouët-Boigny, Bernard Dadié, Alpha Blondy, A’salfo, Michel Gohou, Didier Drogba, Murielle Ahouré et bien d’autres célébrités qui font rayonner son nom à travers le monde.

La première chose qui m’a marquée quand je suis arrivé dans ce pays, c’est l’existence d’un réseau routier urbain non négligeable en comparaison à d’autres capitales africaines que j’ai eu l’opportunité de visiter.

Il existe de grandes avenues qui vont du nord au sud et de l’est à l’ouest d’Abidjan. Cependant quelle densité du trafic aux heures de pointe, j’ai envie de dire, quels embouteillages monstres, qui dévoilent combien ce réseau routier urbain est insuffisant et inadéquat pour accommoder les 5 millions d’Abidjanais, soit 21 % de la population totale de Côte d’Ivoire.

Moi à qui il fallait entre 10 minutes et 20 minutes pour me rendre au travail à n’importe quel moment de la journée, quel choc et quel changement brutal de me voir obligé d’aller à mon travail tous les matins avant 6h45 afin d’éviter ces embouteillages et de reprendre le chemin retour avant 17h en fin de journée ou alors de se voir obligé de rester au Bureau jusqu’à 21h pour éviter d’affronter la horde des véhicules qui envahissent les différents boulevards abidjanais.

Cette horde est composée de véhicules personnels, des taxis, des « woro-woro », des « gbakas», ces minicars de transport en commun de 18 places du siècle dernier, qu’on se pose la question de savoir comment elles arrivent encore à rouler, ou alors par quel miracle ils arrivent à passer le contrôle technique qui les autorise à circuler, le tout dans un concert de klaxons stridents.

Pour ce qui ne connaissent pas Abidjan, les « woro-woro », sont des taxis collectifs à prix forfaitaire, et dont les couleurs dépendent des communes, bleu pour Yopougon, jaune pour la commune de Cocody, jaune Abobo, vert pour Adjamé, Marcory et Koumassi.

Les conducteurs de ces véhicules vous donnent l’impression qu’un code de la route a été élaboré spécialement pour cette ville et celui-ci est interprété par chacun à sa guise. C’est à qui peut passer le premier, refus de priorité, pas de respect ni de la signalisation horizontale, ni celle verticale à l’exemple des panneaux « Stop» à l’entrée des ronds-points, dépassement à droite, multiplication des files jusqu’à bloquer la voie opposée, non-respect des feux de signalisation, et j’en passe. Ce qui me fait dire, qu’à chaque fois rentré chez-moi, que c’est un miracle que le véhicule n’ait subi aucune éraflure.

Malgré la présence de la Police aux nœuds de blocage aux heures de pointe, la situation semble parfois incontrôlable face aux nombreux actes d’incivisme des conducteurs. Est-ce la priorité de la Police de mobiliser autant d’agents pour faire la circulation, quand elle est attendue sur d’autres missions pour lesquelles sa valeur ajoutée serait appréciée.

Les piétons et les deux roues ont été oubliés. Quelques trottoirs existent à certains endroits et ceux-ci sont envahis par des vendeurs ambulants ou sont occupés comme parking par des automobilistes. La traversée des boulevards se fait au sprint, car même quand des passages cloutés existent, les conducteurs automobiles semblent ne pas en tenir compte.

Pour finir de dresser ce tableau, il ne faut pas oublier l’impact environnemental, car ces bouchons engendrent de la pollution atmosphérique, car les émissions de gaz à effet de serre sont plus importantes qu’en trafic fluide. Respirer les pots d’échappement tous les jours a un impact certain sur la santé. Durant un embouteillage, la concentration de la pollution (et notamment des particules fines) augmente considérablement sur une zone réduite. Les automobilistes sont littéralement entourés de voitures dont les gaz d’échappements se libèrent à quelques mètres les uns des autres. En se cumulant, les taux de pollution atteignent des niveaux largement supérieurs aux taux recommandés par les agences de santé.

Quelles sont les perspectives ?

La Côte d’Ivoire vit un boom économique qui va continuer à faire converger vers sa capitale chaque année de milliers de nouveaux habitants et de milliers de nouveaux véhicules sur son réseau routier. Comme l’indique plusieurs études notamment Le dernier rapport du NIC (National Intelligence Council) intitulé « Global Trends 2035: Paradox of Progress », la population urbaine va continuer à augmenter dans tous les continents. Aujourd’hui la moitié de la population est urbaine, d’ici 2050 on aura un rapport de 2/3, ce qui va générer une énorme pression sur les pouvoirs publics, dans la mise en place des infrastructures pour supporter cette population urbaine. En 2030 nous aurons 41 mégapoles de plus de 10 million d’habitants.

Il faut saluer ici le dynamisme des Autorités publiques de ce pays qui ont lancé de nombreux grands travaux. On peut citer, la construction de la première ligne de métro qui desservira l’agglomération d’Abidjan du Nord au Sud, et donc reliera la commune d’Anyama au nord à Port-Bouët dans le sud d’Abidjan en 50 minutes, s’arrêtant à 20 stations, soit 37,5 km. Une deuxième ligne est déjà envisagée et elle va relier Yopougon à Bingerville.


Le plan du métro abidjanais

La construction du 4ème pont sur la lagune Ebrié est lancée, d’une longueur de 1,4 Km il va permettre de relier le quartier populaire de Yopougon au Plateau, la zone des affaires.

Et bien d’autres projets de transport urbains comme la construction des échangeurs et giratoires sur le boulevard François Mitterrand.

Il n’en reste pas moins que la composante humaine doit également faire partie de ces priorités pour le futur.

Compte tenu de l’incivisme des chauffeurs, et de la présence de nombreux chauffards, je me suis posé la question de savoir si la technologie pouvait être une solution. La voiture autonome qui commence à devenir une réalité sous d’autres cieux ne serait-elle pas une solution pour Abidjan ? Pourquoi ne pas rêver voir des véhicules autonomes arpenter les avenues d’Abidjan ? Pourquoi serait-elle réservée pour les larges avenues de la Silycon valley, mais une solution possible pour les capitales Africaines engorgées par le flux automobile en général et en particulier Abidjan.

Le véhicule autonome

Le véhicule autonome est de plus en plus une réalité et elle révolutionnera dans les prochaines années la manière dont nous nous déplaçons. Elle aura un impact sur nos villes, les constructeurs automobiles vont devoir s’adapter à cette révolution  ou mourir. Le marché des assurances automobiles, les métiers du transport, le permis de conduire, le transport des marchandises sont également concernés.

Le véhicule autonome c’est avant tout un véhicule équipé d’un système de pilotage automatique qui lui permet de circuler sans ou avec une intervention humaine dans des conditions de circulation réelles.

La NHTSA (National Highway Traffic Safety Administration), l’agence fédérale américaine des États-Unis chargée de la sécurité routière, a adopté en janvier 2016 les standards du SAE International (anciennement SAE, Society of Automotive Engineers) quant à la définition des niveaux d’autonomie du véhicule. Depuis cette date, ces standards sont considérés comme les standards internationaux et l’ensemble des acteurs du véhicule autonome s’y réfère :

  • Niveau Zéro : aucune automatisation.
  • Niveau Un : assistance au conducteur.
  • Niveau Deux : automatisation partielle.
  • Niveau Trois : automatisation conditionnelle.
  • Niveau Quatre : automatisation élevée.
  • Niveau Cinq : automatisation totale.

Les caractéristiques d’un véhicule autonome n’ont pas à différer nécessairement d’un véhicule non autonome. La seule obligation est de pouvoir contrôler les différents éléments de la voiture (principalement direction et puissance du moteur) via des commandes électriques. Il faut en effet une interface entre l’entité qui prend les décisions de conduite, et les systèmes qui influent sur le comportement physique du véhicule. Selon certains acteurs (Valeo, Tesla), rendre un véhicule électrique autonome sera plus simple que pour un véhicule diesel ou à essence. Les véhicules autonomes auront donc tendance à être plutôt électriques, mais les deux cohabiteront et cohabitent déjà.

Un véhicule autonome sera donc un véhicule quasi systématiquement connecté et très souvent électrique, auquel on adjoindra trois éléments : des capteurs, des algorithmes, et une importante puissance de calcul.

Le véhicule autonome utilise plusieurs types de capteurs, pour la plupart anciens dans leur concept. Les trois principaux sont le radar, la caméra, et le lidar. Les premières caméras sont apparues à la fin du XIXe siècle, les premiers radars dans les années 1930, et les premiers lidars dans les années 1960.

Le lidar est un capteur reprenant le principe de fonctionnement du radar, mais utilisant de la lumière en lieu et place des ondes radio qu’utilise le radar.

Les informations renvoyées par ces capteurs sont ensuite analysées par des algorithmes de traitement d’images. Ce traitement peut être effectué par des systèmes placés au niveau des capteurs, ou au sein de l’ordinateur central. Les algorithmes utilisés sont des algorithmes de reconnaissance d’images qui ont été développés à la fin des années 1990. Ils permettent de reconnaître à l’image toutes les formes utiles à la compréhension de l’environnement, tâche dont l’être humain s’acquitte sans même y réfléchir : routes, lignes de signalisation, rambardes, panneaux.

Notons que le véhicule autonome sera un véhicule connecté. Il échangera des informations au moins avec le Web, et potentiellement avec l’infrastructure urbaine, les autres véhicules, ou même des passagers. Cela nécessite donc d’avoir une infrastructure adaptée qui permette, si cela est nécessaire, de communiquer avec les véhicules autonomes. On peut par exemple envisager des feux de circulation connectés qui puissent envoyer leur information au véhicule autonome pour l’aider dans sa prise de décision, ou encore un capteur, à un carrefour à vision réduite, indiquant aux véhicules approchants les autres véhicules prêts à s’engager sur le carrefour. Il trouvera toute sa place dans ce que nous appelons des « Smart Cities » ou villes intelligentes.

Les véhicules autonomes auront donc une conduite moins brutale que les conducteurs, avec des freinages, des prises de courbe, des accélérations standardisées et optimisées, évitant les heurts pour les passagers.

Grâce à ces capteurs performants, un véhicule autonome réagit beaucoup plus vite qu’un humain et actionnera immédiatement le freinage d’urgence. Un humain en bonne condition met 600 millisecondes pour réagir alors qu’un système autonome peut réagir en 30-40 millisecondes. On peut penser que dans les autres cas où même le véhicule autonome n’aura le temps de réagir – disons-le cas extrêmement rares avec une fréquence quasi-nulle – le véhicule appliquera une règle que le régulateur aura choisie.

Les avantages attendus du véhicule autonome

La sécurité.

C’est un avantage majeur pour les passagers des véhicules et pour les passants : l’accidentologie devrait baisser de manière substantielle avec la progression des véhicules autonomes. Une étude menée aux États-Unis a effectivement montré qu’environ 95 % des accidents étaient principalement dus à une erreur humaine. Il est donc raisonnable d’espérer une chute d’accidentologie dans de telles proportions.

En 2016, le directeur de l’Office ivoirien de sécurité routière (OSER,) Désiré Aka Echui indiquait que les facteurs humains sont à la base de 94 % des accidents de la route en Côte d’Ivoire où la route fait chaque année au moins 600 morts et 11.000 blessés.

Tout récemment, le 19 Janvier 2018, s’est tenue à Abidjan , une réunion des responsables en charge de la Sécurité, soit moins de 03 semaines après le début de l’année, faisait déjà le constat de 1 458 accidents, dont près de la moitié à Abidjan, au cours des deux premières semaines de l’année 2018.

Ces accidents enregistrés au cours des deux premières semaines de l’année ont occasionné plus de 3225 blessés et 81 décès. Le district d’Abidjan a concentré à lui seul 47, 04% de ces accidents. Je vous laisse imaginer le bilan au 31 Décembre 2018…

La pollution

Les véhicules autonomes auront une conduite plus économique que les humains. Mais le réel enjeu se situe au niveau de la concomitance entre développement du véhicule autonome et du véhicule électrique.

Les embouteillages

La conduite autonome sera plus régulière que la conduite humaine, permettant une meilleure fluidité. Les véhicules autonomes seront davantage connectés, et pourront prendre des décisions en temps réel sur les routes optimales à emprunter.

Pas d’incivisme ou d’incivilité de la part du véhicule autonome, car les limitations de vitesse, le respect de la signalisation horizontale et verticale seront en permanence respectées contrairement à ce qui se passe de nos jours avec les fous furieux du volant que nous croisons au quotidien.

L’avènement de véhicules complètement autonomes pourrait aussi amener les consommateurs à délaisser la propriété de véhicules particuliers et à s’orienter vers le partage de véhicule autonome. Avec la réduction attendue du nombre de véhicules, cela devrait fluidifier le trafic et libérer un grand nombre de places de parking dans les zones urbaines : les véhicules, plutôt que de rester inutilisés dans des parkings, seraient en permanence en circulation pour chercher des clients.

Les constructeurs de véhicule autonome

De nombreux acteurs se sont lancés dans le développement de la voiture autonome, les historiques Mercedes, BMW, Renault, PSA, GM, Nissan, Toyota et Audi sont bien lancés parfois en rachetant des start-ups innovantes. Tesla est considéré comme à la pointe sur le sujet. Destinée initialement à construire des véhicules électriques, Tesla s’est ensuite positionné sur le véhicule électrique autonome et connecté, et profite de son agilité pour avancer à grande vitesse.

Les acteurs du numérique sont également présents, C’est le cas de Google, qui développe son système Google Car, destiné à être complètement autonome en milieu urbain, Nvidia, Apple, Baidu et Uber.

Des analystes prévoient une disponibilité en quantité commerciale de ces véhicules autonomes entre 2020 et 2025.

En conclusion

En attendant que la ville d’Abidjan se propose à l’expérimentation des véhicules autonomes, d’autres pistes sont à envisager dans un court terme. On peut citer :

  • Une plus grande et meilleure exploitation du réseau de transport sur la lagune Ebrié
  • Le développement des initiatives d’Eco-partage, comme le covoiturage.
  • L’amélioration du transport public avec des bus plus nombreux et modernes qui pourraient bénéficier de voies réservées,
  • Des couloirs pour véhicules à occupation multiples.
  • Des contrôles techniques plus rigoureux et l’interdiction d’importation de véhicule au-delà d’un certain âge
  • Une plus grande rigueur dans la délivrance des permis de conduire.
  • Des taxes à l’importation des véhicules plus élevés qui permettraient de financer le transport public
  • ….

Bibliographie

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